Archives Fonge et Florule

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L'Hygrophore russule


Photo Yvan Bernaer


Qui est-il, cet hygrophore qui se prend pour une russule ?

Car c'est net, c'est tranché, c'est sans appel : il n'est pas seulement un hygrophore qui ressemble à une russule, un hygrophore qui fait penser à une russule, un hygrophore qui évoque une russule par son aspect, sa forme ou quelqu'autre caractère. Il est un champignon chimère, mi-hygrophore, mi-russule. Son nom l'atteste : Hygrophorus russula (Persoon) Wünsche. Et nous voici devant un cas pour ainsi dire unique1 en nomenclature mycologique – laquelle, en revanche, est friande de noms d'espèces et de genres bâtards, agrémentés tantôt des suffixes oides2, opsis3 : d'aspect (semblable), formis4 : en forme de, ou du préfixe pseudo5... tantôt de l'injection d'une couleur dans un nom de genre6, qui ressemble à un autre genre mais en diffère fondamentalement par exemple par la couleur de sa sporée. Citons Leucocortinarius bulbiger – qui a tout d'un cortinaire Phlegmacium à bulbe marginé... mais dont les spores sont blanches (du grec leukos : blanc) au lieu d'être brunes.

L'Hygrophore russule, de blanc qu'il apparaît dans la jeunesse, se maquille rapidement de rose-rouge, de rouge vineux, tant sur le chapeau que sur les lames et sur le pied.

Très répandu et consommé dans le Midi, l'Hygrophore7 russule daigne se montrer en Berry les années pluvieuses, tardivement, dans les bois de feuillus calcaires. On peut le découvrir dans les forêts de Châteauroux et de Laleuf, ou dans les bois de Fontgombault.


(12 décembre 2013)



1   Il est d'autres binômes de construction similaire, mais aucun n'incarne ce caractère chimérique, ni ne peut se traduire en français par l'association de deux genres. Prenons quelques exemples :

Ripartites tricholoma : la traduction n'en est pas « Ripartites tricholome », mais Ripartites dont la marge du chapeau est parcourue de poils, c'est-à-dire l'exacte retranscription étymologique du mot tricholoma : du grec trikhos : poil, et loma : marge ; à marge poilue.

Amanita battarraea : Amanite dédiée à Battarra... comme l'est le genre Battarraea.

Lepista panaeolus : Lepiste dont le chapeau est tacheté, pommelé, marbré... comme le sont les lames dans le genre Panaeolus.

En revanche un binôme tel que Russula delica : Russule sans lait, Russule faux-lactaire (pour nommer cette russule blanche qui ressemble terriblement à un lactaire), dégage la même force chimérique que l'Hygophore russule.

2   Citons Cortinarius lepistoides, Nyctalis agaricoides, Hericium clathroides, Tricholoma inocyboides, Leucopaxillus lepistoides, Paxillus panuoides, Hygrophorus pleurotoides.

3   Citons Daedaleopsis, Tricholomopsis, Phlebiopsis, Auriculariopsis, Clavulinopsis, Coprinopsis, Fomitopsis, Plicaturopsis, Meruliopsis, Tomentellopsis, Exidiopsis, Ceriporiopsis, Ramariopsis, Hygrophoropsis, Boletopsis.

4   Citons Marasmiellus omphaliformis, Femsjonia pezizaeformis.

5   Citons Pseudoboletus, Pseudoclitocybe, Pseudohydnum, Pseudocraterellus, Pseudotomentella, Pseudoinonotus, Pseudomerulius, Pseudoomphalina.

6   Citons Leucocoprinus, Leucoagaricus, Leucopaxillus, Leucopholiota, Rhodopaxillus, Rhodocollybia, Phaeolepiota, Phaeomarsmius, Chlorociboria, Chrysomphalina... et aussi des combinaisons d'un autre ordre : Lactocollybia, Cerocorticium, Cyphellastereum, Dendropolyporus, Dendrocollybia, Xeromphalina, Chondrostereum

7   Hygrophorus russula, inféodé aux feuillus, ressemble à Hygrophorus erubescens ; mais ce dernier ne rougit que tardivement sur les lames, jaunit fortement sur le chapeau et le pied, a une chair amère et vient surtout sous conifères.




14/12/2013
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