La Cladonie ciliée
Les cladonies sont à la lichénologie ce que les cortinaires sont à la mycologie, les orchidées, les graminées ou les ombellifères1 à la botanique : elles ont leurs spécialistes, leurs journées spécialisées, leurs colloques, leurs symposiums...
À cela deux raisons essentielles : la beauté de ces genres ou familles, et leur complexité. Comme s'il fallait absolument ce double dard – esthétique et intellectuel – pour que fussent titillées les passions humaines les plus baroques, les plus insolites aux yeux des novices. Et telle une surenchère à ces considérations, les cladonies (du grec klados2 : rameau) ont un thalle complexe : composé d'un thalle primaire, plus ou moins foliacé-squamuleux, et d'un thalle secondaire dressé, à podétions en cornes ou en trompettes, porteurs des fructifications.
Chez notre lichen : Cladonia ciliata3 Stirton, le thalle primaire disparaît rapidement. Ne demeure visible qu'un coussin gris verdâtre de ramifications dichotomiques, fines comme des cils (d'où l'épithète ciliée). Notre cladonie se singularise par ailleurs par son aspect bien peigné ( les fines extrémités brunes sont courbées dans une seule et même direction), et par ses réactions chimiques : thalle insensible à la potasse (K-), à la potasse + ajout d'eau de Javel (KC-), mais devenant rouge-orange à la paraphénylènediamine (P+).
L'exemplaire de la photo pousse parmi les mousses, sur un talus argilo-sableux de la commune de Velles.
(28 mars 2013)
1 - Ce petit inventaire est bien sûr injuste et restrictif : d'abord parce que toutes les plantes et tous les champignons génèrent de la beauté (il suffit d'ouvrir les yeux !), et ensuite parce que les journées spécialisées se diversifient et se multiplient. Pour exemples les journées russules, les journées lactaires en mycologie, ou de futures journées carex en botanique.
2 - La racine klados est à l'origine, entre autres, du mot français récent cladistique : méthode de classification des êtres vivants par clade, basée sur la plus ou moins grande proximité des liens de parenté dans laquelle les taxons doivent être monophylétiques.
3 - Suivons la clé des Cladonia, in Les macrolichens de Belgique, du Luxembourg et du nord de la France, Musée national d'histoire naturelle, Luxembourg, 2004 :
- squamules du thalle primaire évanescentes, totalement absentes des podétions adultes
- podétions très ramifiés, non gonflés, à extrémités dressées ou plus souvent recourbés , progressivement atténués en pointes ; cortex externe totalement absent
- thalle P+, orange-rouge
- podétions gris verdâtre, K-
- podétions grêles (= 1mm d'épaisseur), à extrémités fines ; ramifications en majorité dichotomes : Cladonia ciliata.
La réaction KC- et la couleur gris verdâtre, gris blanchâtre de notre lichen nous conduit très précisément à Cladonia ciliata var. ciliata Stirton, considéré comme peu commun, contrairement à Cladonia ciliata var. tenuis, de teinte jaune paille et à réaction KC+ jaune.
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