La Mérule tremblante
Le tremblement confère une vie et une sensibilité à l'amorphe. C'est la manière de sentir et de vibrer du mou ; son intimité, sa manière de jouir.
La Mérule tremblante tremble de tous ses chapeaux concrescents et hirsutes, de ses marges sinueuses, de ses hyméniums rose saumon voluptueusement plissés. Tremble de toute la minceur élastique de sa gélatine.
Le nom de mérule est attribué à trois champignons, d'aspect et de consistance plus ou moins similaires, et qui présentent une surface fertile ridulée à plissée-alvéolée : la très mince Mérulepapyracée, étalée sur les branches telle une peau de lait, la légendaire et sinistre Mérule pleurante, capable d'écrouler les maisons, et notre Mérule tremblante : Merulius tremellosus Fries.
Mérule est un nom d'origine obscure, et comme il en est à chaque fois de même en pareille circonstance, il débrida l'imagination et déploya une foule d'interprétations, toutes plus fantaisistes les unes que les autres. Ainsi fut-il rapproché du merle, soit en raison du plumage de l'oiseau qui évoquerait l'obscurité des caves dans lesquelles évolue la redoutable Mérule pleurante, soit tout simplement par son habitat domestique – voire par son bec jaune picoreur du bois qui rappellerait les plis en relief jaune orange de son hyménium... soit encore par l'imbrication des plumes et de la queue qui, cette fois-ci, ferait penser aux chapeaux concrescents-imbriqués de notre Mérule tremblante.
Mais allez donc lui rendre visite, sur le bois pourrissant. Elle n'est pas plus hibernante que le merle n'est migrateur. Faites-la frémir... et frémissez à votre tour... d'imagination et de poésie... et allez-y de votre métaphore !
(15 mars 2012)
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