La Pézize vert-de-gris
La Pézize vert-de-gris
"Vert-de-gris" est une étrange appellation. Quel est ce vert issu du gris, naissant sur le gris, se mêlant au gris... ce gris verdissant, ce vert grisonnant ?
En fait, il n'en est rien : "vert-de-gris" est une altération de "vert de Grèce", et il évoque le vert-bleu, le bleu-vert qui habille magnifiquement le cuivre resté à l'humidité.
"Vert-de-grisé" existe (couvert de vert-de-gris), et même "se vert-de-griser", qui pourrait concurrencer les plus belles inventions verbales d'un Francis Ponge* :
"Dès le matin, le ciel se dalle, se marquette, se pave, se banquise, se glaçonne, se marbre, se cotonne, se coussine, se cimente, se géographise, se cartographise (...)
Voici, sur le tard du jour, que le ciel se duvette, se plumotte, s'édredonne ; il se pompadourise, se douillette, se matelasse, se capitonne de soie grise, gris-rose bleu pervenche très pâle ; le voici qui se dos-de-fauteuille (...)
Puis, vers l'Occident, il se chamoise, se gant-de-suédise, beurre-fraîchit... plus tard enfin se peluredoignonne."
Il y a deux pézizes vert-de-gris : Chlorociboria aeruginosa, dont les petits ciboires (les apothécies), au pied central et bicolore à la coupe (vert et jaune), ne sont jamais en touffes, et Chlorociboria aeruginescens (Nylander) Kanouse et al., (celle de la photo), souvent en bouquets, à pied excentré et unicolore à la coupe.
Les pézizes vert-de-gris sont les petits peintres de la sylve ; elles trempent leur pinceau toujours dans le même pot, bleu-vert, et peignent les branches de nos forêts.
* Francis Ponge, « Méthodes »
Chronique Echo du Berry du 7 octobre 2010
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