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Le bolet pomme de pin

Photo Yvan Bernaer

Imaginons un mycologe ayant à nommer une espèce nouvelle. Exercice délicat, acrobatique – voire périlleux – surtout si le champignon se défile derrière une personnalité incertaine. Le scientifique n'a alors comme seul recours que sa subjectivité.
Mais qu'un jour un champignon vienne à « crever le paysage » ... à éclater de ses caractères forts, de sa personnalité énorme : le mycologue en reste baba... bouche bée... et se met à bégayer.
C'est de ce bégaiement que jaillit le mot... la redondance, le pléonasme du binôme latin.
Ainsi en est-il de l'amadouvier : Fomes fomentarius... doublement « aliment du feu », de la diaphane et très visqueuse collybie du hêtre : Mucidula mucida, du champignon « pétale-de-la terre » : Geopetalum geogenium, du bolet à spores pourpres : Porphyrellus porphyrosporus, du Laccaria laccata (non point « laqué », mais de la couleur originelle de laque : brun rougeâtre), de la noire et blanche Melanoleuca melaleuca... ou, pour faire une incursion dans la botanique, de notre charmante petite orchidée d'automne : Spiranthes spiralis.
Notre bolet pomme de pin fait partie du lot : Strobilomyces strobilaceus (Scopoli : Fries) Berkeley1 ... dont le « strobilos » grec nous racle la gorge, nous accroche comme un écheveau d'épingles !
Strobilomyces strobilaceus est un rare2 et spectaculaire champignon noircissant, tout ébouriffé de grosses écailles de laine. Est-ce parce qu'il fréquente assidûment le voisinage des taupinières, qu'il s'est... comme « mimétisé » à la couleur de nos insectivores des ténèbres ?

Notes :
1 – La distinction entre deux espèces : S. floccopus (rougissant à la coupe) et S. strobilaceus (brunissant à la coupe)... avant de noicir, a été abandonnée.
2 – Strobilomyces strobilaceus est visible presque chaque année autour de l'Etang de Berthommiers, sous hêtres, en forêt de Châteauroux (exemplaire de la photo). Espèce rare, à protéger.

 
Chronique du 25 septembre 2008