Le cortinaire infracté
Le cortinaire infracté
Grand
fauve tapi au sol, difforme, ondulé, lustré... Son ventre fuligineux olive me
révèle son identité1.
Je reviens à son pelage brunâtre – bosselé de roux, miroité de jaune, cerclé
d'argent, tissé de gris, peigné de noir – baigné d'un olivâtre si pur qu'il
effraye le mycologue, l'envoûte, le répulse... lui arrache un cri : « sordide
! » .
Et
c'est alors que le miracle s'accomplit : « sordide »2 s'extirpe de sa « saleté
repoussante », roule dans la grande vague du brun et de l'olive, se
mêle à eux en un « brunâtre olivacé sordide » ... devient mot
sublime, mot aimé, enfant de cette synthèse colorée rare – magnifique !
Un
parcours analogue nous pousse à vénérer le glauque, autre teinte
maudite d'une insondable beauté... glacier du haut du stipe de notre
cortinaire.
1 – Outre ses lames gris olivâtre sombre, Cortinarius infractus se
singularise par sa spore subglobuleuse et par la spectaculaire réaction jaune
d'or de sa cuticule à l'oxyde de thalium.
Les cortinaires de la photo croissent en touffe sous un vieux chêne vellois,
sur sol argilo-calcaire ; ils correspondent au type : Cortinarius infractus
(Persoon : Fries) Fries.
La variété « olivellus Moser », bien différente par son chapeau gris olive
très peigné et son pied bulbeux, pousse sous chênes, sur le site de Gireugne
(Châteauroux).
D'autres variétés et formes sont mentionnées dans la littérature.
Ainsi lit-on, par exemple, dans la description de Cortinarius infractus d'André
Marchand :
« Cuticule brun sordide tirant sur l'olivâtre ou le gris
olivâtre... »
Par ailleurs, « sordide » entre dans la composition de
nombreux noms de champignons, tels «Conocybe sordida, Corticium sordidum,
Cortinarius sordescens, Dryophila sordida, Entoloma sordidulum, Hydnum
sordidum, Lepista sordida, Mollisia sordidula, Peniophora sordida,Tulasnella
sordida », etc.
La connotation de « sale, négligé, triste... » y est rarement
absente, et quand il arrive que le « violet » soit convoqué, celui-ci
est invariablement mêlé au brun... et
souvent « douteux » ... ce qui renforce l'idée de « teintes
incertaines, insaisissables... angoissantes » .
ANTONINI Daniele et Massimo, GIOVANNI Consiglio : Il Genere Cortinarius
in Italia.
BRANDUD Tor Erik,
LINDSTROM Hakan, MARKLUND Hans, MELOT Jacques, MUSKOS Siw : Cortinarius, Flora
Photographica.
HENRY Robert : Clé du groupe de Cortinarius infractus, bulletin de la
Société Mycologique de France de 1986, fascicule 1.
MARCHAND André : Champignons du nord et du midi, tome 7.
MOSER Meinhard : Die
Gattung Phlegmacium.
TARTARAT André : Flore Analytique des Cortinaires.
Chronique
du 6 novembre 2008
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