Le ganoderme à croûte résinoïde
Le
ganoderme à croûte résinoïde :
champignon du feu et de l'air
Les rêveries fungiques sont intimement liées à celles
de l'eau et de la terre.
On rêve de champignons en rêvant de forêt à l'automne,
avec ses pluies et ses brouillards, son humus mou et humide qui fleure bon le
champignon.
Le feu est rarement convoqué par le mycologue ; il
apparaît cependant dans quelques registres bien précis :
– celui des brûlis (favorables aux morilles), des
places à feu – où croissent un certain nombre d'espèces, tels la chanterelle,
la psathyrelle, la pholiote, le téphrocybe, le tricholome des charbonnières : Faerberia
carbonaria, Psathyrella pennata, Pholiota highlandensis, Tephrocybe
anthracophila (du grec "anthrax" : charbon), Lyophyllum
ambustum (du latin "ambustus" : brûlé autour")... ou
encore des Ascomycètes tels les Pyronema (du grec "puros"
: feu), Geopyxix carbonaria, Anthracobia macrocystis, Strattonia
carbonaria...
– celui de la couleur ou de l'aspect, du goût ou de
l'odeur : les Flammules et Flammulines arborent souvent des couleurs de flamme,
Lepiota pyrochroa et Psathyrella pyrrhotricha ont le chapeau roux
flamboyant, Coprinus pyrrhanthes est une "fleur de
feu", Lepiota ignivolvata et ignipes ont le pied flammé de
roux orangé (du latin "ignis" : feu), Cortinarius fervidus
se montre "ardent comme le feu"... pendant que Lactarius pyrogalus
nous "met le feu à la bouche" de son lait brûlant.
Tricholoma ustale, (du latin "ustulo" : brûler) semble
roussi par le feu et Bjerkandera adusta, (du latin "adustus"
: brûlé) noirci par le feu.
D'autres champignons évoquent la fumée par leur teinte
grise à gris-noir, tels Clavaria fumosa, Hypholoma capnoides (du
grec "kapnos" : fumée), ou Lactarius lignyotus ( du
grec "lignus" : fumée épaisse)... voire par leur odeur
"de fumée de cierge", "de fumée de locomotive" (Cortinarius
callisteus et tophaceus)... ou encore la cendre, tels Pseudocraterellus
cinereus (du latin "cinis" : cendre) ou les Tephrocybe
(du grec : "tephra" : cendre).
– Enfin, certains champignons ont partie liée avec le
feu en ce qu'ils sont des combustibles, des "aliments du feu". A cet
égard, l'amadouvier en est un exemple édifiant, ainsi que les Phellins – dont Phellinus
ignarius, qui porte cette propriété dans son nom.
Quant à notre polypore estival : Ganoderma
resinaceum Boudier, il rejoint la liste des "champignons du
feu" par sa croûte résinoïde, qui fond sous la flamme.
Il est aussi un "champignon de l'air", eu
égard à cet étonnant phénomène (commun aux autres Ganodermes) : il déploie une
telle énergie au moment de la sporulation, qu'il dégage de la chaleur et crée
des mouvements d'air ascendants qui soulèvent et transportent sa propre sporée
sur son chapeau, sur les écorces et feuilles de lierre qui le couronnent...
mais ceci est une autre histoire...
Note :
Dans le groupe complexe des Ganodermes, Ganoderma
resinaceum se caractérise par ses consoles de grande taille, épaisses,
sessiles, de consistance souple (non dure), par sa marge lippue, blanche ou
jaune à l'état jeune (qui s'amincit ensuite), par sa croûte résineuse,
brillante à terne, brun orangé à acajou noirâtre (sous laquelle se trouve une
couche de couleur jaune), qui fond sous la flamme, par sa chair de couleur
liège, avec une bande plus foncée au-dessus des tubes – lesquels sont
indistinctement stratifiés – et par son odeur agréablement épicée. Notons
aussi, sur le frais, l'émission de gouttes résinoïdes à la coupe, qui
durcissent aussitôt à l'air.
La spore, typique de celles du genre, est largement
elliptique, tronquée à l'apex ; l'épispore est hyaline, l'endospore brune et
verruqueuse ; 9 - 12 x 5 - 7 microns.
Ganoderma resinaceum est considéré comme rare.
Pourtant, il paraît relativement fréquent dans le Centre (Bourdot & Galzin
le mentionnent dans cette région), où il s'épanouit l'été, sur le tronc de chênes
vivants, à la base ou un peu en hauteur (observations régulières, depuis une
vingtaine d'années, sur des chênes pédonculés de la commune de Velles, dans
Indre).
Il pourrait être confondu avec l'autre Ganoderme à
croûte résinoïde : Ganoderma pfeifferi ; mais ce dernier a une chair
brun-rouge foncé, et sa croûte résinoïde s'effrite comme de la colophane....
et surtout avec les formes sessiles de Ganoderma
lucidum – lequel s'en distingue cependant par sa croûte seulement laquée
(et non résineuse), par ses tubes non stratifiés, et par sa chair uniformément
pâle, sans zone foncée au-dessus des tubes.
Parmi les autres Ganodermes à consistance souple (sur
le frais) et à chair pâle, Ganoderma carnosum croît sur les sapins
blancs, Ganoderma valesiacum sur les mélèzes.
Principale bibliographie consultée :
BERNICCHIA A. –
Polyporaceae s. l. . Fungi Europaei, 2005.
BOURDOT H. & GALZIN A. – Hyménomycètes de
France.
BREITENBACH J. & KRÄNZLIN F. – Champignons de
Suisse, Tome 2.
RYVARDEN L. & GILBERTSON R. L. – European
Polypores.
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