Archives Fonge et Florule

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Le ganoderme à croûte résinoïde

Le ganoderme à croûte résinoïde :

champignon du feu et de l'air


Photo Yvan Bernaer

 

Les rêveries fungiques sont intimement liées à celles de l'eau et de la terre.

On rêve de champignons en rêvant de forêt à l'automne, avec ses pluies et ses brouillards, son humus mou et humide qui fleure bon le champignon.

Le feu est rarement convoqué par le mycologue ; il apparaît cependant dans quelques registres bien précis :

– celui des brûlis (favorables aux morilles), des places à feu – où croissent un certain nombre d'espèces, tels la chanterelle, la psathyrelle, la pholiote, le téphrocybe, le tricholome des charbonnières : Faerberia carbonaria, Psathyrella pennata, Pholiota highlandensis, Tephrocybe anthracophila (du grec "anthrax" : charbon), Lyophyllum ambustum (du latin "ambustus" : brûlé autour")... ou encore des Ascomycètes tels les Pyronema (du grec "puros" : feu), Geopyxix carbonaria, Anthracobia macrocystis, Strattonia carbonaria...

– celui de la couleur ou de l'aspect, du goût ou de l'odeur : les Flammules et Flammulines arborent souvent des couleurs de flamme, Lepiota pyrochroa et Psathyrella pyrrhotricha ont le chapeau roux flamboyant, Coprinus pyrrhanthes est une "fleur de feu", Lepiota ignivolvata et ignipes ont le pied flammé de roux orangé (du latin "ignis" : feu), Cortinarius fervidus se montre "ardent comme le feu"... pendant que Lactarius pyrogalus nous "met le feu à la bouche" de son lait brûlant.

Tricholoma ustale, (du latin "ustulo" : brûler) semble roussi par le feu et Bjerkandera adusta, (du latin "adustus" : brûlé) noirci par le feu.

D'autres champignons évoquent la fumée par leur teinte grise à gris-noir, tels Clavaria fumosa, Hypholoma capnoides (du grec "kapnos" : fumée), ou Lactarius lignyotus ( du grec "lignus" : fumée épaisse)... voire par leur odeur "de fumée de cierge", "de fumée de locomotive" (Cortinarius callisteus et tophaceus)... ou encore la cendre, tels Pseudocraterellus cinereus (du latin "cinis" : cendre) ou les Tephrocybe (du grec : "tephra" : cendre).

– Enfin, certains champignons ont partie liée avec le feu en ce qu'ils sont des combustibles, des "aliments du feu". A cet égard, l'amadouvier en est un exemple édifiant, ainsi que les Phellins – dont Phellinus ignarius, qui porte cette propriété dans son nom.

Quant à notre polypore estival : Ganoderma resinaceum Boudier, il rejoint la liste des "champignons du feu" par sa croûte résinoïde, qui fond sous la flamme.

Il est aussi un "champignon de l'air", eu égard à cet étonnant phénomène (commun aux autres Ganodermes) : il déploie une telle énergie au moment de la sporulation, qu'il dégage de la chaleur et crée des mouvements d'air ascendants qui soulèvent et transportent sa propre sporée sur son chapeau, sur les écorces et feuilles de lierre qui le couronnent... mais ceci est une autre histoire...

 

Note :

Dans le groupe complexe des Ganodermes, Ganoderma resinaceum se caractérise par ses consoles de grande taille, épaisses, sessiles, de consistance souple (non dure), par sa marge lippue, blanche ou jaune à l'état jeune (qui s'amincit ensuite), par sa croûte résineuse, brillante à terne, brun orangé à acajou noirâtre (sous laquelle se trouve une couche de couleur jaune), qui fond sous la flamme, par sa chair de couleur liège, avec une bande plus foncée au-dessus des tubes – lesquels sont indistinctement stratifiés – et par son odeur agréablement épicée. Notons aussi, sur le frais, l'émission de gouttes résinoïdes à la coupe, qui durcissent aussitôt à l'air.

La spore, typique de celles du genre, est largement elliptique, tronquée à l'apex ; l'épispore est hyaline, l'endospore brune et verruqueuse ; 9 - 12 x 5 - 7 microns.

Ganoderma resinaceum est considéré comme rare. Pourtant, il paraît relativement fréquent dans le Centre (Bourdot & Galzin le mentionnent dans cette région), où il s'épanouit l'été, sur le tronc de chênes vivants, à la base ou un peu en hauteur (observations régulières, depuis une vingtaine d'années, sur des chênes pédonculés de la commune de Velles, dans Indre).

Il pourrait être confondu avec l'autre Ganoderme à croûte résinoïde : Ganoderma pfeifferi ; mais ce dernier a une chair brun-rouge foncé, et sa croûte résinoïde s'effrite comme de la colophane....

et surtout avec les formes sessiles de Ganoderma lucidum – lequel s'en distingue cependant par sa croûte seulement laquée (et non résineuse), par ses tubes non stratifiés, et par sa chair uniformément pâle, sans zone foncée au-dessus des tubes.

Parmi les autres Ganodermes à consistance souple (sur le frais) et à chair pâle, Ganoderma carnosum croît sur les sapins blancs, Ganoderma valesiacum sur les mélèzes.

 

Principale bibliographie consultée :

BERNICCHIA  A. – Polyporaceae s. l. . Fungi Europaei, 2005.

BOURDOT H. & GALZIN A. – Hyménomycètes de France.

BREITENBACH J. & KRÄNZLIN F. – Champignons de Suisse, Tome 2.

RYVARDEN L. & GILBERTSON R. L. – European Polypores.



29/08/2009
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