Le Lactaire demi-sanguin
Le Lactaire demi-sanguin
Le Lactaire demi-sanguin serait-il au Lactaire sanguin ce que le Cortinaire demi-sanguin est au Cortinaire sanguin ? Pourquoi pas, sinon que la demi-teinte porte sur le lait chez les premiers, alors qu'elle concerne la couleur du champignon chez les seconds.
Les mycologues ont aimé faire des moitiés, partager en deux... surtout quand ils étaient mi-figue, mi-raisin ou que leur coeur balançait entre deux émotions. En naquirent de nombreux mots1, tels la Strophaire semi2-globuleuse, le Psilocybe en demi-fer de lance, le Mitrophore à moitié libre, le Tyromyces presque chapeauté, la Sépultarie à demi brûlée, le Plutée à bulbe tronqué, le Cortinaire à moitié poilu et celui à demi voilé.... Et que dire de la Psathyrelle à moitié habillée et de la Lépiote à moitié nue ? Laquelle est la plus nue ou habillée des deux ?
Notre Lactaire demi-sanguin3 : Lactarius semisanguifluus Heim & Leclair, saigne d'un lait carotte qui vire au rouge vineux. Il appartient aux Dapetes4 qui, à n'en point douter, étaient des mets sublimes offerts en sacrifice aux dieux.
1 Stropharia semiglobata
Psilocybe semilanceata
Mitrophora semilibera
Tyromyces semipileatus
Sepultaria semitosta
Pluteus semibulbosus
Cortinarius hemitrichus
Cortinarius semivelatus
Psathyrella semivestita
Cystolepiota seminuda
2 Semi, demi, hémi sont utilisés dans le même sens ; exemples : semi-nomade, semi-liberté, demi-deuil, demi-dieu, hémisphérique, hémiface...
3 Lactarius semisanguifluus pousse sous les pins en sol calcaire dans le Berry. D'un bel orangé mat quand il est jeune, il se pétrifie en statue vert-de-gris dans la vétusté ; ses lames orangées se maculent de teintes vineuses, et son pied concolore n'est pas scrobiculé (ou à peine), contrairement à Lactarius deliciosus qui vient dans les mêmes milieux et dont le lait reste orange.
4 Du latin daps (pluriel :dapes) : mets, repas, festin, banquet... ou sacrifice aux dieux, banquet sacré. Il est fort à penser que le mycologue suédois Elias Magnus Fries, qui fit montre d'une immense culture en matière de nomination, à l'instar de son homologue botaniste Carl von Linné, invoqua des mets divins et sacrificiels en regroupant sous le terme de Dapetes tous les lactaires (poussant sous conifères) saignant rouge, orange ou bleu... et éminemment comestibles.
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