Le Lactaire velouté
Le Lactaire velouté
Dans le règne des rêves, l'ordre des mots qui veut qu'une couleur soit blanche comme de lait est trompeur. Le rêveur prend d'abord le lait, son oeil ensommeillé en voit ensuite, quelquefois, la blancheur.
Gaston Bachelard, L'eau et les rêves
Le lait est l'apanage absolu des mammifères.
Tout ce qui est nommé comme tel et qui n'est pas du lait griffe, écorche et meurtrit les doux rêves de lait incarnés par l'image du nourrisson repu qui s'endort sur la mamelle chaude et humide.
Les lactaires participent de ce massacre onirique. Et par une ironie du sort, tous ceux dotés d'un lait blanc sont affreusement âcres, voire brûlants1... alors que ceux qui saignent rouge ou orange sont doux... et comestibles.
Et ce n'est pas la vénéneuse Amanite panthère et la métaphore qui l'accompagne : son chapeau est couvert de restes vélaires semblables à des flocons de lait, pas plus que le lait blanc des euphorbes – si abrasif qu'il est un remède contre les verrues – qui vont rattraper l'affaire !
Le Lactaire velouté : Lactarius vellereus Fries, porte une double antinomie dans sa désignation française2 : celle de son lait âcre, et celle de son chapeau (qui n'a de velouté que le nom), couvert d'une toison de fibrilles rudes au toucher.
Ce gros champignon ubiquiste, dont le chapeau se creuse et les lames roussissent, fréquente assidûment les bois du Berry.
Chronique Echo du Berry du 9 décembre 2010
1 Lactarius pyrogalus : à lait brûlant, en est un vivifiant exemple. Tous ceux qui l'ont goûté le savent : son nom n'est pas surfait !
2 Vellereus a deux acceptions mycologiques :
a) couvert de laine, toisonné (celle de Fries)
b) couvert de velours, velouté (celle de la traduction française, erronée dans le cas de notre lactaire).
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