Le polypore écailleux
Le champignon-chouette
La chouette est l'oiseau de l'entre-deux mondes :
celui du jour et de la nuit. Elle s'éveille et se glisse dehors au moment où
les limites entre l'eau, la terre et le ciel s'estompent. En cela et malgré son
vol si aérien, si léger et silencieux, elle est l'oiseau qui incarne le plus
les rêveries de la terre, donc celles des champignons. Pour s'en convaincre, il
suffit de suivre ses plongées fantomatiques dans la matière nocturne.
Il est ainsi tout à fait légitime que la chouette appartienne
au bestiaire mycologique – qui plus est sous la forme d'un nom populaire : le champignon-chouette,
toujours plus chargé en émotion qu'un nom scientifique.
Il faut reconnaître que ce grand polypore écailleux : Polyporus
squamosus (Hudson) Fries, blond ochracé moucheté de roux, à
gorge blanche, souvent haut perché sur un feuillu, mime à merveille une
chouette effraie. Et si vous avez la chance de l'approcher... vos narines
seront flattées par ses effluves miellés. Remarquons qu'un autre grand polypore
printanier : Inonotus hispidus, de la couleur d'un pain d'épice, sent
également le miel. Comme si, par une sorte de variante de la théorie des
signatures* – mais non purement fantaisiste cette fois-ci ! – la couleur de
miel induisait l'odeur de miel.
Chut ! ... l'effraie sort de la grange... lance son
chuintement dans le crépuscule, qui bascule soudain dans la nuit. Moment de
pure conscience du monde.
* Note :
Au Moyen Age, quand une plante ou partie d'une plante affichait une ressemblance avec un organe du corps, elle était alors investie du pouvoir de soigner cet organe. La ressemblance "signait" en quelque sorte ses prétendues propriétés médicinales.
Chronique Echo du Berry du 4 juin 2009
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 57 autres membres