Les aubépines
Les aubépines
Quand,
au moment de quitter l'église, je m'agenouillai devant l'autel, je
sentis tout d'un coup, en me relevant, s'échapper des aubépines une odeur amère
et douce d'amandes, et je remarquai alors sur les fleurs de petites places plus
blondes, sous lesquelles je me figurai que devait être cachée cette odeur comme
sous les parties gratinées le goût d'une frangipane ou sous leurs taches de
rousseur celui des joues de Melle Vinteuil.
Marcel Proust, À la recherche du temps
perdu, Du côté de chez Swann
Les aubépines fascinèrent Marcel Proust (il
les assimilait à un premier amour)... au point qu'il tenta d'en saisir l'âme
– et ce à travers de multiples esquisses et variantes. Considérant tant les
pétales que les étamines, les pistils, les feuilles ou le parfum, il les
compara tour à tour à une traîne de mariée, à la traîne ruchée d'une
robe de bal, à de la soie blanche, à du tissu d'argent, à de
l'étamine, à un bouquet de corsage, à une suite de petites
chapelles odorantes, aux nervures gothiques d'un vitrail, aux rayons d'un
ostensoir, à la décoration un peu trop chargée mais si belle d'un reposoir, aux
mille arêtes de pierre du jubé, à de la mousseline imbibée où lève la
pâte d'un gâteau d'amandes, aux taches de rousseur de Mme Goupil,
à la petite tache des oeufs du rouge-gorge, à la prunelle
distraite de certains yeux de jeunes filles peut-être un peu myopes, à des insectes
métamorphosés en fleurs, à une phrase musicale...
à vous de choisir vos métaphores... et de
rêver à votre tour.
Note :
Deux espèces d'aubépines sauvages se rencontrent en Berry :
l'Aubépine monogyne : Crataegus monogyna Jacquin (celle de la photo),
des haies de pleine lumière, à feuilles profondément échancrées et à fruits à
un noyau, et Cratraegus laevigata, qui s'accommode de l'ombre, à feuilles moins
découpées et à fruits à deux noyaux.
Chronique Echo du Berry du 13 mai
2010
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